TRAVAUX SANS PERMIS : LES RISQUES

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L’auteur de travaux irréguliers (édifiés soit sans autorisation ou déclaration préalable, soit en méconnaissance de l’autorisation obtenue) est exposé à des sanctions pouvant aller jusqu’à la démolition et la remise en état.

HÉMÉRA Avocats – Me Isabelle MOREAU

 

LE RISQUE ADMINISTRATIF

 

La mise en demeure

L’autorité administrative peut mettre en demeure l’intéressé de :

  • mettre la construction irrégulière en conformité
  • ou encore de régulariser les travaux en déposant une déclaration préalable ou une demande de permis de construire,

Ce, sous un certain délai qu’elle fixe, et, le cas échéant, sous astreinte de 500 € par jour de retard au maximum et dans la limite d’une somme totale de 25.000 €. (Article L 481-1 du Code de l’urbanisme)

Si l’intéressé n’agit pas dans le délai, le maire peut l’obliger à consigner une somme équivalente au montant des travaux à réaliser. La somme lui sera restituée au fur et à mesure de l’exécution des mesures prescrites. (Article L 481-3 du Code de l’urbanisme)

 

Le refus de travaux ultérieurs

L’intéressé peut également se voir refuser une autorisation d’urbanisme ultérieure.

Cela signifie que s’il veut réaliser de nouveaux travaux, le bénéficiaire devra déposer une demande portant non seulement sur les futurs travaux mais également sur ceux qui ont été irrégulièrement réalisés par le passé.

(CE, 09.07.1986, n°51172, Thalamy : il s’agissait d’une demande de permis de construire d’un escalier extérieur desservant une terrasse construite en surélévation sans autorisation)

Si les anciens travaux ne peuvent plus être autorisés compte tenu du changement des règles d’urbanisme, le maire peut autoriser certains travaux s’ils sont nécessaires à la préservation de la construction et au respect des normes. (CE 16.03.2015, n°369553)

Cela dit, le législateur a posé une limite à cette obligation de régularisation : l’opposition à déclaration préalable ou le refus du nouveau permis, selon la nature des travaux, ne peut être opposé que pendant une période de 10 ans de l’achèvement de la construction irrégulière, sauf si la construction a été édifiée sans permis de construire alors qu’il était requis. (Article L 421-9 du Code de l’urbanisme)

 

LE RISQUE CIVIL

Plusieurs actions sont possibles devant le Tribunal judiciaire.

→ D’abord, le maire peut saisir le Tribunal pour faire ordonner la démolition ou la mise en conformité d’une construction non autorisée ou réalisée en méconnaissance de l’autorisation. (Article L 480-14 du Code de l’urbanisme)

Cette action doit être engagée dans les 10 ans de l’achèvement des travaux.

→ Ensuite, de manière générale, il est également possible de poursuivre le propriétaire sur le fondement des règles de droit civil de droit commun. (Article 1240 du Code civil)

Il convient alors de justifier d’une faute, par exemple :

  • Une construction sans permis,
  • Une violation du permis

Mais également, et cela est plus difficile, d’un préjudice directement subi par celui qui poursuit. (Cass. 3e civ., 11.02.1998, n°96-10.257 ; Cass. 3e civ., 07.10.1998, n°96-13.562)

Par exemple, une association de protection de l’environnement pour un permis délivré dans une zone inconstructible (Cass. 3e civ., 26.09.2007)

L’action du tiers lésé doit être engagée dans le délai commun de 5 ans à compter de la connaissance des faits. (Article 2224 du Code civil)

→ Enfin, si le bien est en copropriété, faute d’autorisation par l’AG des travaux qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, le syndicat des copropriétaires peut obtenir l’arrêt des travaux et le rétablissement des lieux en leur état antérieur.

 

Les sanctions :

  • La démolition et la remise en état des lieux.

(Cass. 3e civ., 02.03.2005, n°03-20.889 : travaux de communication entre un rez-de-chaussée et un premier étage par la création d’une trémie ; Cass. 3e civ., 10.09.2020, n°18-23.797 : transformation des parkings en un entrepôt)

Peu importe, le coût de démolition de l’ouvrage. (CA Paris, Pôle 4 chambre 2, 15.05.2019, n°13/01048)

  • Avec éventuellement le prononcé d’une astreinte,
  • Et également l’octroi d’une indemnisation du préjudice subi.

L’action peut être engagée par le SDC ou même par un copropriétaire s’il justifie d’un préjudice personnel distinct du préjudice collectif. (Cass. 3e civ., 15.11.2018, n°17-13.514)

Elle doit l’être dans un délai de 5 ans de la connaissance des travaux non autorisés. (Article 42 de la loi du 10.07.1965 ; Article 2224 du Code civil)

Cela dit, il reste une issue de secours pour le copropriétaire qui a fait réaliser des travaux sans autorisation de la copropriété : en les faisant ratifier par une assemblée générale ultérieure. (Cass. 3e civ., 19.11.1997, n°96-10.771)

 

LE RISQUE PENAL

Il est prévu par l’article 610-1 du Code de l’urbanisme qui renvoie aux articles L 480-1 et suivants :

La réalisation de travaux sans autorisation d’urbanisme ou de travaux non conformes à l’autorisation obtenue peut être sanctionnée pénalement.

En pratique, l’infraction doit être constatée par le procès-verbal d’un agent assermenté, qui est ensuite transmis au ministère public.

Les peines encourues sont :

→ Une peine d’amende comprise entre 1.200 € et 6.000 € par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l’article L 430-2 (permis de démolir mais article abrogé), ou 300.000 € dans les autres cas ;

→ Voire une peine de six mois d’emprisonnement en cas de récidive ;

→ Avec des peines complémentaires : telles que la mise en conformité, la démolition des ouvrages et la remise en état des lieux, le tout sous astreinte.

Ces peines sont encourues par le bénéficiaire des travaux, mais également par les architectes et les entrepreneurs intervenus.

Si ces mesures ne sont pas réalisées dans le délai imparti, le maire peut d’office faire réaliser les travaux aux frais et risques de la personne condamnée.

Le juge pénal, tout comme le maire d’ailleurs, peut également ordonner l’interruption des travaux.

Le délai de prescription est de 6 ans à compter de l’achèvement des travaux. (Article 8 du Code de procédure pénale)

 

Enfin, il faut savoir qu’en cas d’annulation de l’autorisation administrative (non-opposition ou permis de construire selon les cas), les tiers peuvent engager une action en démolition.

A la condition qu’ils justifient subir un préjudice personnel direct du fait de la construction.

Avec cette nuance en matière de permis de construire, que la démolition ne peut être ordonnée que si la construction se situe dans une zone protégée : espaces naturels montagnards, bande littorale, parcs nationaux, réserves naturelles, sites classés, abords des monuments historiques, zone de prévention des risques technologiques et naturels. (Article L 480-13 du Code de l’urbanisme)

En matière de décision de non-opposition, cette condition de lieu ne s’applique pas. (Cass. 3e civ., 12.04.2018, n°17-16.645 : réalisation d’un court de tennis et de son aménagement paysager)

Ils peuvent également demander des dommages et intérêts.

Ces actions, démolition et indemnisation, doivent être engagées dans un délai de 2 ans de la décision définitive du juge administratif.

Si le permis est devenu définitif, c’est-à-dire qu’il n’a pas été contesté dans les délais, mais qu’il était irrégulier, les tiers peuvent quand même obtenir des dommages et intérêts dans le même délai de 2 ans.

 

De manière plus générale, les défauts d’autorisation ou le non-respect de l’autorisation, posent problème en cas de vente du bien immobilier concerné.

Cela peut bloquer une vente si le notaire fait bien son travail et que l’acquéreur refuse d’acheter le bien avec les risques qu’on a développés.

Le plus souvent l’acquéreur demandera une régularisation de la situation avant l’achat.

Cela peut également engager la responsabilité de la personne qui a fait réaliser des travaux, qui serait mise en cause par la suite.

En matière de responsabilité, celle du bailleur peut être engagée à l’égard de son locataire.

Enfin, un dernier exemple, l’irrégularité peut nous empêcher soi-même de contester des travaux irréguliers d’un voisin.

 

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