Les possibilités pour le locataire d’un bail commercial de résilier ou de céder son bail lorsqu’il cesse son activité dans le cadre d’un départ à la retraite (ou d’une invalidité).
HÉMÉRA Avocats – Me Isabelle MOREAU
LES LOCATAIRES CONCERNES
Pour faciliter le départ à la retraite des commerçants, le législateur a assoupli les obligations qui leur incombent dans le cadre de leur bail commercial.
La notion de départ à la retraite : Le locataire doit avoir demandé à bénéficier de ses droits à la retraite.
A noter : La jurisprudence étend les dispositions au locataire qui bénéficie déjà d’une retraite de base mais est resté en activité, lorsqu’il cesse totalement son activité et sollicite le bénéfice de sa retraite complémentaire. (Cass. 3e civ., 06.02.2013, n°11-24708, BC III n°17)
Si le locataire est une société : Celle-ci peut également bénéficier des dispositions dérogatoires prévues s’il s’agit du départ à la retraite :
- De l’associé unique d’une EURL
- Du gérant majoritaire (donc détenant plus de 50% des parts) depuis au moins 2 ans d’une SARL.
Extension : Cette faculté est également ouverte au locataire titulaire d’une pension d’invalidité.
LA RESILIATION ANTICIPEE DU BAIL LORS DU DEPART A LA RETRAITE
Article L 145-4 alinéa 4 du Code de commerce
En principe : Le bail commercial est conclu pour une durée minimale de 9 ans.
En cours de bail, le locataire peut le résilier uniquement tous les 3 ans.
Assouplissement : Le commerçant qui souhaite partir à la retraite peut résilier son bail commercial à tout moment.
En pratique :
La forme : Le locataire doit notifier son congé par courrier RAR ou acte d’huissier (A privilégier pour s’assurer de la date de réception et éviter l’aléa postal).
Le délai : Le locataire doit respecter un préavis de 6 mois.
LA CESSION DU DROIT AU BAIL
Article L 145-51 du Code de commerce
En principe : La cession du seul droit au bail peut être régie par le bail. Généralement, elle est soumise à autorisation préalable du bailleur et est même, le plus souvent, purement et simplement interdite.
Assouplissement : Le locataire qui souhaite partir à la retraite peut céder son droit au bail, sans céder son fonds de commerce.
C’est ce qu’on appelle la cession-déspécialisation : le locataire peut céder à un acquéreur qui n’exercera donc pas la même activité que lui dans les locaux. Ce, même si l’activité prévue dans les locaux n’est pas celle autorisée par le bail.
Condition : La nouvelle activité doit être compatible avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble.
Notamment, le règlement de copropriété peut interdire l’exercice de certaines activités dans les lieux loués.
En pratique :
La forme : Le locataire doit notifier par acte d’huissier de justice au bailleur son intention de bénéficier de la cession-déspécialisation.
Point de vigilance : Si des créanciers sont inscrits sur le fonds de commerce, le locataire doit également leur notifier la cession envisagée.
Les mentions : Il doit indiquer l’activité envisagée par l’acquéreur ainsi que le prix de cession.
La réponse du bailleur : Le bailleur dispose ensuite d’un délai de 2 mois pour réagir :
- Il peut accepter la cession (expressément ou tacitement s’il garde le silence pendant les 2 mois) ;
- Il peut exercer son droit de priorité en rachetant le droit au bail dans les conditions prévues par la cession ;
- Il peut également contester la cession-déspécialisation devant le Tribunal judiciaire s’il estime que ses conditions ne sont pas réunies.
Conséquences : Le changement d’activité ne peut pas donner lieu à une augmentation de loyer immédiate. Mais il peut justifier une demande de déplafonnement du loyer (C’est-à-dire la fixation à sa valeur locative si, en pratique, elle est supérieure au loyer révisé) par le bailleur lors du renouvellement du bail. (Cass. 3e civ., 15.02.2023, n°21-25.849)
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