Les conditions de la responsabilité administrative des établissements de santé publics
HÉMÉRA Avocats – Me Valérie LEMERLE
Contre qui ?
En application des règles de droit administratif, le médecin exerçant au sein d’une structure hospitalière publique n’est pas personnellement responsable des dommages causés au patient par sa faute.
Dans la mesure où le professionnel de santé intervient en tant qu’ « agent de l’administration » et le patient en tant qu’ « usager du service public », seule la responsabilité de l’établissement public peut en principe être recherchée.
Il en va autrement, de manière exceptionnelle, quand il peut être considéré que le médecin a commis une faute personnelle détachable de ses fonctions, auquel cas il répond personnellement de sa faute en engageant sa responsabilité civile.
La faute détachable s’oppose à la faute de service. La jurisprudence considère qu’il s’agit d’une faute d’une gravité exceptionnelle qui ne peut raisonnablement être rattachée au fonctionnement du service.
Sont ainsi susceptibles de constituer des fautes détachables :
- l’acte se détachant matériellement de la fonction et ressortant de la vie privée de l’agent ;
- l’acte révélant chez l’agent une intention malveillante avec volonté de nuire ;
- la recherche d’un intérêt personnel ;
- la faute inadmissible, inexcusable au regard de la déontologie professionnelle.
Sur quel fondement ?
Sur le même fondement que la responsabilité des hôpitaux privés et des professionnels libéraux puisque la loi du 4 mars 2002 a unifié les deux régimes de réparation.
Depuis la loi du 4 mars 2002, la responsabilité administrative des établissements de santé publics peut être engagée sur le fondement de l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique, tout comme la responsabilité civile des professionnels et établissements de santé privés.
Ainsi, en dehors des cas de responsabilité sans faute mentionnés par l’article L. 1142-1 I, la responsabilité administrative de l’établissement de santé public ne peut être engagée que si le patient demandeur rapporte la preuve d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre les deux.
Les fautes peuvent être des fautes médicales techniques :
- omission de faire pratiquer un second examen en cas de doute sur la validité du premier (pour une trisomie non détectée après un premier examen chromosomique insuffisant (CE, Section, 14 février 1997, Centre hospitalier régional de Nice, n° 133238) ;
- choix d’une thérapie ou d’une stratégie de soins lorsque le médecin méconnaît gravement le diagnostic, ne fait pas un choix conforme aux données acquises de la science ou fait courir un risque au patient que ni son état ni l’urgence n’imposaient (CE, 12 décembre 1975, Ministre de la coopération c/ M. X., n° 97241; 29 janvier 1982, Mlle X., n° 20775) ;
ou des fautes dans l’organisation et le fonctionnement du service :
- une insuffisance dans la surveillance des patients et des locaux(CE, 27 février 1985, Centre hospitalier de Tarbes, n° 39069-48793) ;
- un mauvais entretien des locaux et du matériel (CE, 9 septembre 1988, M. X, n° 65087) ;
- la réalisation tardive d’un examen (CE, 16 novembre 1998, Mlle Y., n° 178585) ;
- une insuffisance de personnel (CE, 27 juin 2005, M. et Mme X., n° 250483) ;
- un défaut d’information du patient (CE, 2 septembre 2009, Mme A., n° 292783 ; CE, 15 mars 1996, Mlle X., n° 136692).
Risques pris en charge par la solidarité nationale
Le droit à réparation de l’aléa thérapeutique par l’ONIAM s’applique également devant les établissements publics de santé.
Bénéficient également d’une responsabilité sans faute des hôpitaux publics, les dommages causés par les transfusions sanguines, les vaccinations obligatoires, les produits et appareils de santé ou les recherches biomédicales.
Seul le lien de causalité avec le dommage doit être établi par la victime.
A titre d’exemple concernant le vaccin contre l’hépatite qui favoriserait l’apparition des scléroses en plaques, contrairement à la cour de cassation, le Conseil d’Etat, formalise des indices de causalité, comme « le bref délai ayant séparé l’injection de l’apparition du premier symptôme cliniquement constaté de la sclérose en plaques, la bonne santé de la victime et l’absence de tous antécédents à cette pathologie avant sa vaccination » (CE, 9 mars 2007, no 267635, Mme Schwartz, Rec. CE 2007, p. 118 ; CE, 24 oct. 2008, no 305622 ; CE, 24 juill. 2009, no 308876 Hospices civile de Lyon, Rec. CE tables 2009, p. 942 ; CE, 5 mai 2010, no 324895).
Devant quelle juridiction ?
La responsabilité des hôpitaux publics ou des hôpitaux privés à but non lucratif chargés d’une mission de service public ou du personnel des hôpitaux publics en cas de faute dans l’organisation du service est une responsabilité administrative relevant de l’ordre administratif (Tribunal administratif – Cour administrative d’appel – Conseil d’Etat).
Quelle réparation ?
La condamnation de l’établissement de santé public donne lieu au versement de dommages et intérêts au profit du patient, sachant que, comme en matière civile, le principe est celui de la réparation intégrale des préjudices subis.
Sur le même thème:
– La réparation du préjudice corporel
– La responsabilité civile des professionnels de santé privés
– La responsabilité pénale et disciplinaire du professionnel de santé