Lorsque le propriétaire de murs commerciaux souhaite les vendre, son locataire bénéficie obligatoirement d’un droit de préemption pour les acheter.
(Article L 145-46-1 du Code de commerce)
Il s’agit de dispositions d’ordre public, le bail ne peut pas y déroger. (Cass. 3e civ., 28.06.2018, n°17-14.605)
HÉMÉRA Avocats – Me Isabelle MOREAU
LES CONDITIONS POUR POUVOIR BENEFICIER DU DROIT DE PREEMPTION
Pour pouvoir prétendre au droit de préemption, il faut remplir certaines conditions :
→ Quel bail ? La location doit être un bail commercial et non pas, par exemple, un bail dérogatoire ou un bail professionnel.
→ Quels locaux ? Le local doit être loué au locataire pour un usage commercial ou artisanal.
C’est la nature de l’activité prévue par le bail qui est retenue : le locataire de locaux à usage de bureaux qui y exerce une activité commerciale bénéficie du droit de préemption. (CA Paris, 01.12.2021, n°20/00194 pour un syndic ; CA Aix-en Provence, 20.11.2018, n°17/04435 pour une société d’expertise comptable)
→ Pour quelle opération ? Il doit s’agit d’une vente volontaire. Echappent au droit de préemption du locataire commerçant, par exemple :
– l’apport des murs à une société,
– une donation des murs,
– un partage successoral,
– la vente judiciaire de l’immeuble saisi (Cass. civ. 3e, 17.05.2018, n°17-16.113;, Cass. 3e civ., 30.11.2023, n°22-17.505)
– la vente amiable sur autorisation du Juge commissaire dans le cadre d’une procédure collective. (Cass. 23.03.2022, n°20-19.174; Cass. 3e, 15.02.2023, n°21-16.475)
LES EXCEPTIONS LEGALES
Au-delà de ces conditions, la loi prévoit cinq cas dans lesquels le locataire n’aura pas de droit de préférence pour l’achat des murs vendus par son bailleur :
- La « cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial » : il peut s’agir des ventes en une seule fois, dans un seul acte, à un acquéreur unique, par un vendeur unique de locaux situés dans des centres commerciaux.
- La « cession unique de locaux commerciaux distincts » : il peut s’agir d’une vente de locaux loués à différents locataires, même s’ils sont situés dans le même immeuble et même s’il s’agit de locaux différents (commerciaux et à usage d’habitation). (Cass. 3e, 29.06.2022, n°21-16.452)
- La « cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial » : c’est l’hypothèse où le copropriétaire d’un local situé dans un centre commercial le vend à un autre copropriétaire.
- La « cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux », même si l’immeuble ne comporte qu’un seul local commercial. (Réponse ministérielle n°5054, JOAN 14.08.2018, p.7318)
- La cession d’un local au conjoint du bailleur (donc uni par le mariage), ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.
Ces exceptions posent des difficultés d’interprétation, l’idée globale étant d’exclure du droit de préemption du locataire les ventes plus vastes que celle des seuls locaux qu’il loue.
LES FORMALITES A RESPECTER
- Le propriétaire informe le locataire de son projet de vente, ce qui vaut offre de vente.
Comment ? Par courrier RAR ou remis en mains propres contre récépissé ou émargement. Avec mention :
– du prix, hors honoraires car ils ne peuvent pas être mis à la charge du locataire (Cass. 3e civ., 23.09.2021, n°20-17.799),
– des conditions de la vente,
– et la reproduction de l’article L 145-46-1, alinéas 1 à 4 du Code de commerce.
Quand ? Avant, pendant la mise en vente, mais également pendant la promesse de vente sous réserve qu’elle soit faite sous condition suspensive de purge du droit de préférence du locataire. (Cass. 3e civ., 23.09.2021, n°20-17.799)
Si, finalement, le propriétaire vend à des conditions ou un prix plus avantageux pour l’acquéreur, il doit réitérer la procédure.
- Le locataire dispose d’un délai d’un mois, à compter de la réception de l’offre pour se décider :
- S’il souhaite acheter les locaux, il doit le notifier à son bailleur (il peut le faire dans les mêmes formes, ou par acte de commissaire de justice pour une meilleure sécurité juridique) et signer l’acte de vente sous 2 mois, délai allongé à 4 mois s’il finance son achat par un emprunt. A défaut, son acceptation est sans effet. (Cass. 3e, 24.11.2021, n°20-16.238)
- S’il ne répond pas ou refuse l’offre, celle-ci est caduque à l’issue du mois imparti. Le propriétaire est alors libre de vendre à un autre acquéreur.
A noter : En cas de conflit avec le droit de préemption urbain (Articles L 211-1 et suivants du Code de l’urbanisme) institué au profit des collectivités publiques, celui-ci prime sur le droit de préemption du locataire commerçant.