Etape n°6 – Recours après vente: erreur, dol, surface, délivrance, vices cachés…, plusieurs possibilités.
HÉMÉRA Avocats – Me Isabelle MOREAU
RECOURS SUR LE FONDEMENT DES VICES DU CONSENTEMENT
En matière de vente, on retrouve les vices du consentement qui peuvent être invoqués pour tout contrat :
Il doit s’agir de vices qui ont déterminé le consentement (Article 1130 du Code civil).
L’on retrouve principalement :
L’erreur :
- Sur la nature du contrat (l’un croit vendre, l’autre croit louer),
- Sur son objet (l’un croit acheter un bien, l’autre vendre un autre bien),
- Sur le prix (différentes unités monétaires), mais pas sur la valeur
- Sur les qualités substantielles du bien vendu (Article du 1132 du Code civil):
- la conformité du bien aux règles d’urbanisme (par exemple, l’erreur sur l’habitabilité du rez-de-chaussée, inondable (Cass. 3e civ., 13.07.2022, n°20-21.293)),
- l’utilité attendue (par exemple un terrain finalement inconstructible)
- Sur un motif propre à l’acquéreur, mais uniquement si les parties en ont fait un élément déterminant de leur consentement (Article 1135 du Code civil):
Par exemple pas la recherche d’un avantage fiscal par l’acquéreur
L’erreur doit être excusable, ne doit pas être grossière.
Ce qui ne sera pas le cas si l’acquéreur est professionnel de l’immobilier par exemple
Le dol : manœuvres ou mensonges pour induire une personne en erreur et l’inciter à contracter (Article 1131 du Code civil). Il peut émaner de la partie ou de son représentant.
Par exemple, le dol est retenu lorsque le vendeur n’informe pas l’acquéreur des difficultés économiques du locataire du bien vendu car sa situation locative constitue un élément qui a déterminé son consentement (Cass. 3e civ., 16.09.2021 n° 20-19.229)
Il peut également s’agir du silence : (Article 1137 du Code civil) la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.
Par exemple, le silence du vendeur sur l’ancienne infestation de la maison par des termites
L’erreur résultant d’un dol est toujours excusable.
Sanction : nullité du contrat, donc rétroactive.
RECOURS SUR LE FONDEMENT DE L’OBLIGATION DE DELIVRANCE
C’est l’obligation de délivrer le bien mais pas seulement il doit être conforme. (Par exemple Cass. 3e civ., 11.07.2024, n°22-24.357: un bien partiellement raccordé à l’assainissement public n’est pas conforme)
Souvent les manquements à l’obligation de délivrance consistent en un défaut ou une inexactitude de contenance. (Article 1617 du Code civil)
Sanction, après mise en demeure préalable :
- Défaut ou retard de délivrance :
Option ouverte à l’acquéreur qui doit agir dans un délai raisonnable :
- résolution de la vente
- exécution forcée si elle est possible (Article 1610 du Code civil)
- + dommages et intérêts
- Différence de contenance : (Article 1617 du Code civil)
Option de l’acquéreur qui doit agir dans l’année :
- remboursement de la différence de prix
- annulation pour erreur si la différence de contenant empêche l’usage attendu (Parfois il faut certaine surface minimale pour pouvoir construire son projet)
- action en garantie d’éviction si la partie manquante présente une utilité spécifique.
Action spécifique en matière de copropriété : métrage loi Carrez.
- S’il n’y a pas de mention de superficie de la partie privative : l’acquéreur peut demander la nullité du contrat dans le mois de la signature de l’acte de vente
- S’il y a mention d’une superficie erronée :
A la hausse, il ne peut pas y avoir de supplément de prix au profit du vendeur ;
A la baisse, l’acquéreur peut agir en diminution de prix dans le délai d’un an s’il y a une différence d’au moins 5% avec la superficie Carrez réelle.
RECOURS EN GARANTIE DES VICES CACHES
Il s’agit d’une garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus.
Conditions : il doit y avoir :
- Un défaut (fondations, solidité, inconstructibilité, pas la vétusté)
- Suffisamment grave
- Occulte, c’est-à-dire que l’acheteur ne pouvait pas déceler
- Antérieur à la vente, souvent déduite de la nature du vice
Sanction : au choix de l’acquéreur
- Action en résolution du contrat de vente avec restitution du prix et remboursement des frais de la vente
- Action en diminution du prix
- + Eventuellement des dommages et intérêts en cas de mauvaise foi du vendeur.
A noter: le vice ne doit plus nécessairement être intrinsèque au bien vendu (par exemple, l’échouage régulier d’algues toxiques à proximité du bien vendu (Cass. 3e civ., 15.06.2022, n°21-13.286)).
L’action doit être engagée dans les 2 ans de la découverte du vice et dans la limite du délai butoir de prescription de 20 ans.
RECOURS EN GARANTIE D’EVICTION
(Articles 1625 et suivants du Code civil)
Le vendeur doit garantir à l’acheteur “la possession paisible de la chose vendue » c’est-à-dire que :
- Le vendeur ne doit pas porter atteinte à la propriété ou la possession de l’acheteur
- Il ne doit pas permettre qu’un tiers invoque un droit sur le bien vendu.
Sanction :
- Résolution de la vente, restitution du prix de vente, remboursement des frais de vente et des droits de mutation payés,
- Dommages et intérêts si l’acquéreur subit un préjudice que ne répare pas le remboursement du prix.
FOCUS SUR LES CLAUSES DE NON-GARANTIE
Les clauses qui ont pour but de limiter ou d’exclure la garantie due par le vendeur ne sont pas valables si :
- Le vendeur est un professionnel (acte accompli pour les besoins de sa profession : promoteur, SCI) et l’acquéreur un non-professionnel (personne physique qui n’agit pas à des fins professionnelles ou pour une acquisition sans rapport avec l’activité professionnelle qu’il exerce)
- Si le vendeur est de mauvaise foi,
Par exemple s’il connaissait l’existence des vices cachés
La mauvaise foi est plus ou moins facile à établir,
Par exemple pour un bien avec un fort taux d’humidité et des ruissellements et remontées d’eau de pluie, il est invraisemblable que le vendeur l’ignorât ;
Par exemple lorsque le vendeur dissimule des vices par d’habiles travaux
- Si elle est rédigée de manière ambiguë.
S’il y a besoin d’une interprétation, elle se fera contre le vendeur (Article 1602 du Code civil).
Les clauses de style, génériques, ne sont pas valables.
Une clause claire sera par exemple une clause qui indique la difficulté et énonce que l’acquéreur entend en faire son affaire personnelle sans recours contre le vendeur.
- Si le DDT est incomplet: plomb, amiante, termites, gaz, électricité, assainissement et que le vice est en lien avec le document manquant.
RECOURS EN RESCISION POUR LESION
(Articles 1674 et suivants du Code civil)
Si le vendeur a été lésé de plus de sept douzièmes dans le prix d’un immeuble, il a le droit de demander la rescision de la vente.
La valeur s’apprécie au jour de la vente (au moment de la levée de l’option ou au moment de la levée des conditions suspensives) et non au jour du jugement
Il n’est pas possible de renoncer à cette action.
Délai : l’action doit être engagée dans les 2 ans de la vente.
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